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L’esprit de l’Aïki-Do (1ère partie)

par Pierrre Warcollier

Voici un article paru dans la revue « Les cahiers du Budo », publication du Budo-club de La Varenne-Saint-Maur, n°1, octobre 1965.
Nous avons respecté strictement l’écriture et l’orthographe du texte original.

Cet article présente un Abe Tadashi au comportement plus conforme avec l’image d’un Sensei, bien différent des témoignages d’extrémisme voire de fanatisme que nous avons rapportés. Comme quoi, on peut être expert et ne rien maitriser dans sa vie d’homme.

1ère partie: LE PRESENT ET LE RETOUR AUX SOURCES

       Ce matin là après une séance d’entrainement, Maître Tadashi ABE avait prié deux gradés, ceintures noires « deuxième dan » d’Aïki-Do, de venir chez lui. Assis et silencieux, tous deux attendaient quelque chose. Il y avait le petit jardin devant les fenêtres, un très grand silence dans la pièce, un peu de cérémonial dans les attitudes et une très grande dignité. Cela se prolongea le temps qu’il fallait selon le Maître.

     L’ambiance créée, le Maître fit servir les objets de la cérémonie du thé, et le ritualisme de la préparation du thé japonais commença. L’eau et la poudre verte furent fouettées dans le bol. Maître ABE l’offrit à l’un de ses invités qui le fit tourner d’un quart de tour sur sa paume selon la tradition et absorba rituellement le liquide. Et chacun fit de même à son tour. Et le silence continua. Peut-être était-ce fini?
Personne ne bougeait. On attendait… Maître Tadashi ABE, les yeux mi-clos et le torse bombé, planté comme un arbre, le visage sérieux et impassible, la respiration bloquée dans le ventre et l’attention concentrée sur le HARA, avança la main droite et dit, dans son français bref et scandé:

     « Personne ne comprend l’Aïki-Do. Personne ne l’a compris totalement, sauf mon Maître UESHIBA » 

Il s’arrêta puis ajouta:

     « Je regrette que l’Aïki-Do ait été présenté comme une méthode de défense… C’est une méthode d’éducation au sens japonais d’un DO ».

     « Cette méthode a été codifiée entièrement par Maître UESHIBA à partir des arts martiaux très anciens. Dans ces arts anciens, les techniques apparaissaient sous leurs aspects guerriers… Il n’y a pas d’Aïki-Do avant Maître UESHIBA, tout au moins sous l’aspect actuel ». 

     « Aïki, c’est Union des Souffles. Toute action de Maître UESHIBA est Aïki ».

Et Maïtre ABE poursuivit:

     « Il y a huit cents ans, un des plus grands experts du Budo a donné, à sa mort, à ses élèves, un document secret concernant son art.
KICHI OGEN a laissé la formule suivante:

5+5=10
6+4=10
1+9=10
3+7=10
2+8=10

     Si théoriquement cette très ancienne maxime a été comprise, personne n’a pu la réaliser avant Maître UESHIBA. Lui seul a mis en pratique la vérité contenue dans cette formule ».

     « Tous les arts anciens du Budo sont liés à un système fondé sur la ruse et la force, c’est-à-dire sur l’esprit de destruction du type:

7-3=4
6-4=2

     C’est encore de nos jours la formule du Judo. L’idée de Maître KICHI OGEN et la réalisation de Maître UESHIBA sont l’inverse. Leur formule est:

7+3=10
6+4=10

c’est-dire-que l’action de l’un plus celle de l’autre sont l’HARMONIE. »

     « J’ai à coeur de voir les élèves français donner à l’Aïki-Do le sens voulu par Maître UESHIBA. Tous les élèves de ce dernier, son fils et moi-même, pratiquons en disciples. La force de Maître UESHIBA est telle qu’il peut, à soixante dix-huit ans se défendre contre dix élèves attaquant à la fois. Cette force n’est ni musculaire, ni physique, mais mentale. Lui seul pratique en maître ».

     « Comment arriver à l’harmonie? Pour Maître UESHIBA, il faut garder l’esprit dans une attitude d’amour pieux envers son prochain. Il y a quatre chemins pour monter au Fuji-Yama; l’Aïki-Do peut être considéré comme le Fuji-Yama. Pour y accéder, on peut prendre l’un ou l’autre des arts martiaux. L’Aïki-Do permet la pratique de tous ces arts. Il en est le faîte ».

     « Les élèves aiment les classifications, c’est pourquoi il est bon de préciser des notions qui ont été mises en application abusivement. Maître UESHIBA insiste sur le fait que l’enseignement n’est pas progressif, comme celui des mathématiques par exemple, où pour suivre, il ne faut pas manquer une série de leçons. Dans l’Aïki-Do, il n’y a pas de progression dans l’enseignement, d’un cours à l’autre. La progression se fait dans les élèves. Un même mouvement peut être étudié par les élèves quels que soient leurs grades, car il y a cent manières d’apprendre et d’assimiler l’Aïki-Do ».

     « Si l’on pratique pendant un an, on reste ensuite à un an de savoir; si l’on pratique pendant dix ans, on reste ensuite à dix ans de savoir. Il n’y a rien à apprendre par coeur; l’amiral Takeshita a noté plus de quatre mille détails, puis a jeté ses cahiers: car l’Aïki-Do est une méthode globale et non abécédaire ».

     « Des enfants mis à l’étranger parlent d’emblée la langue; des adultes ne peuvent apprendre qu’avec la grammaire et l’enseignement. C’est pourquoi les adultes européens doivent étudier l’Aïki-Do par les principes. Les principes sont la grammaire ».

     « La connaissance des principes fait le débutant, c’est-à-dire le premier dan ».

A suivre

 

 

 

 

 
 

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