Maître Ueshiba était un génie des arts martiaux, un mystique et un être réalisé. En tant qu’artiste martial et homme d’Esprit, son évolution est permanente, chaque mouvement est unique et décrypter sa technique est une gageure même si les principes fondamentaux sous-jacents sont permanents. Si l’on ne peut parler de style, force est de constater que sa pratique des années 1920-1930 encore très imprégnée du Daïto-ryu est bien différente de ce qu’il pratiquait dans les années 1950-1960.
Rappelons que le terme Aïkido fut utilisé après sa deuxième expérience spirituelle en 1942.
Les différents disciples qui ont jalonné son évolution ont eu eux-même une évolution personnelle en fonction de leur capacité, don, charisme et destin. Ce n’est pas leur faire injure que de dire qu’ils sont comme les aveugles de l’histoire bouddhiste. Chacun décrit correctement ce qu’il touche (une partie d’un éléphant) et uniquement cela, c’est-à-dire ce qu’il a perçu.
Shioda Gozo (disciple des années 30 et fondateur du Yoshinkan) semble lui-même avoir évolué alors que ses élèves sont restés « carrés ».
Abe Tadashi (disciple des années 40) se sépara de l’Aïkikai après son séjour en Europe rejetant un Aïkido trop « rond », trop Yin. Était-ce uniquement une critique à l’encontre de Ueshiba Kishomaru qui n’était pas encore le second Doshu?
Toujours actuelle, la polémique entre les « styles » Iwama de Saïto Morihiro et l’Aïkikai de Kishomaru traduit une mentalité dualiste de « cour de récréation » prisonnière de la mécanique. Cette polémique ne concerne pas tant les personnalités que leurs élèves et autres zélateurs.
Tohei Koichi commença l’Aïkido en 1939 et fut le premier instructeur en chef de l’Aïkikai. Alors qu’ils sont de la même période, il serait vain de comparer Tohei, Saïto et Abe, et de déterminer lequel a le plus touché de l’éléphant. Sachons cependant que Saïto Morihiro rendit visite à Tohei Koichi à la fin de sa vie afin de le remercier pour son influence.
Que nous enseigne la physique quantique, sinon que deux vérités qui se contredisent peuvent coexister en même temps (chat de Schrodinger)!
N’est-il pas concevable qu’un enseignement général soit doublé d’un enseignement de « secrets » personnalisés en fonction du récipiendaire, de son degré d’évolution donc de son âge, sachant que ces « secrets » sont plus de l’ordre du subtil et du spirituel?
On peut le supposer chez Takeda Sokaku qui délivra certains enseignements à cinq disciples dont Maître Ueshiba alors qu’il eut plusieurs milliers d’élèves! Cela amène un paradoxe étonnant: certains -rares- « descendants » officiels de Daïto-ryu sont plus « ronds » que certains officiels de l’Aïkido nostalgiques de l’époque guerrière.
Cette réflexion a pour conséquence que tout pratiquant ayant étudié en profondeur est porteur d’une part de vérité et que nous pouvons apprendre de tous et tirer profit de l’expérience d’autrui.
De même qu’il n’est nul besoin d’avoir connu le fondateur d’une religion pour être un grand mystique (n’est-ce-pas Juda?), on peut être un grand adepte sans avoir connu O Sensei même si, reconnaissons-le, c’est une chance que de l’avoir rencontré. Le lien spirituel est indépendant de l’espace et du temps!
N’étant propriétaire de personne et ne voulant pas créer de clones, nous recommandons fortement au pratiquant ayant de l’expérience de visiter d’autres dojos, de participer à des stages afin de rencontrer d’autres enseignants, et d’expérimenter d’autres approches.
Cela sous tend plusieurs conditions:
Choisir de préférence une forme de pratique en harmonie avec la sienne, par exemple, dynamisme ne se conjugue pas avec brutalité, souplesse avec mollesse.
Respecter le groupe, ses membres et son enseignant. Le visiteur n’est pas un missionnaire pour apporter la bonne parole et la vérité mais au contraire avec humilité, faire silence de ses « connaissances » et essayer de suivre l’enseignement dispensé.
Inversement, recevoir un ou des visiteurs impose des règles de politesse et de bonnes manières.
Casser physiquement pour marquer son territoire, humilier en supprimant le hakama ou en critiquant les autres écoles et les autres enseignants prouvent un petit mental.
Marquer sa déférence avec humilité devant un homme de Coeur est enrichissant pour les deux.
Après tout et pour détourner la pensée de Michel Audiard, les canards sauvages, les pintades et même les coqs sont des enfants du Bon Dieu!
A Düsseldorf, Asaï Katsuaki reçut Serge avec bienveillance.
Paul Muller nous accueillit chaleureusement pour suivre Nishio Shoji et nous offrit même un temps d’enseignement dans le cadre d’un stages personnel.
Plus récemment, Laurent et Xavier ont été accueillis très amicalement en stage par Christian Tissier.
Nous ne pouvons que rendre hommage lorsque la pratique Aïki est en accord avec le comportement!
Pouvons nous prétendre être Aïki et faire de l’Aïkido si nous ne sommes pas dans l’accueil et que notre coeur est dans le dénigrement?
Il est d’usage de se présenter mais il est compliqué de parler du parcours de son propre enseignant lorsque celui-ci est inconnu. Aussi est-il préférable de laisser chacun responsable de son histoire. Nous aurons l’occasion par ailleurs d’analyser les sources visibles et subtiles qui permettent de progresser.
Disons déjà que l’intérêt d’un stage est plus de faire provision de Ki que de connaissances techniques.
C’est peut-être pour cela que nous ferons partie des douze qui se déplaceront pour la venue du troisième Doshu où mille cinq cent personnes sont attendues!
Nous sommes plus attirés par les plages désertes ou le maquis corse que par ce type de grand-messe et devons nous rabattre sur l’émulation que ce type de manifestation entraîne.
Si l’Aïkido est une musique, mille musiciens jouent ensemble la symphonie fantastique d’Hector Berlioz.
Si l’Aïkido est un chant, unissons-nous en une chorale digne des Chorégies d’Orange!
Si l’Aïkido est un art martial…
JMT
A peu près le style d’idée que je me faisais du sujet, merci bien pour ce succulent billet.
Merci pour cette lecture et ce partage.
JMT
Un excellent moment passé avec vous, merci bien pour cette bonne lecture.
Le plaisir d’écrire n’a d’égal que celui de votre lecture!
JMT