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Commenter, juger, condamner

Nous avons déjà évoqué notre monde moderne malade de sa modernité  parce que l’homme est malade et qu’il n’arrive plus à gérer son stress et son mal-être. Bloqué dans l’avoir, il oublie l’être. Depuis une trentaine d’années (à l’approche de l’an 2000!), il est passé par des phases d’angoisse, de peur, de destruction, d’auto-destruction et maintenant de haine.

Certains comportements illustrent notre propos à travers un progrès technologique incontestable: internet!

Il est d’usage maintenant de commenter et de donner son avis après une expérience personnelle: achat, boutique, personne. Tout y passe y compris les arts martiaux!

Les arts martiaux n’échappent pas au tribunal de la parole libérée et son bras armé: la langue, acérée comme un sabre mais parfois fourchue!
Il est navrant de voir des commentaires méprisants, majoritairement concernant l’efficacité, venant de pratiquants d’un autre art martial. Il serait bon que chacun balaie devant sa porte.

« La montagne respecte la rivière » dit  un proverbe plein de sagesse.

Très souvent ces commentaires traduisent un manque de tolérance et de connaissance approfondie de l’art martial. Le commentateur devrait  d’abord être  « comment’acteur »!
C’est un droit d’aimer ou de ne pas aimer telle discipline martiale, d’être sensible ou pas à tel maître ou tel expert mais il reste néanmoins un devoir de respect.

Au delà du physique, au delà du mental, au delà des apparences, ouvrons nos yeux, ouvrons notre coeur.

Il est rare que nous lisions les commentaires sur des vidéos, qu’il soient positifs ou négatifs.
Tout se voit, de l’émerveillement de « prouesses » à l’insulte sur le physique ou l’âge d’un vieillard. Tout est bon pour flatter indirectement son ego, oubliant qu’un jour l’âge viendra et que fort probablement, le sot aura disparu des pratiquants car il aura atteint ses limites! Nous ne pouvons que plaindre celui qui perd son âme dans le fond en jugeant, et dans la forme en exhibant une syntaxe et une orthographe lamentables.

Internet devient alors un défouloir et un exutoire vulgaire non seulement pour commenter mais aussi juger et condamner.
Le policier se fait juge et bourreau!

Le « meilleur » commentaire mi-amusant, mi-choquant sur l’Aïkido que nous ayons lu était:

« L’Aïkido, l’art de se défendre contre quelqu’un qui vient vous serrer la main »!

Il est difficile de faire comprendre qu’il y a sept degrés de compréhension à celui qui est au premier degré, incapable d’imaginer que derrière une porte, il existe quelque chose.
Il appartient à nous tous de désirer ouvrir ces portes.
Il nous vient en mémoire l’anecdote sur Abe Tadashi. Celui-ci faisait une démonstration de Kata de Jo devant des GI’s quand l’un d’entre eux ironisa sur l’efficacité et l’intérêt de cet exercice. Abe tendit le bâton au soldat qui le prit à deux mains et l’expert décocha un Atémi qui mit KO l’insolent!

Les démonstrateurs, professeurs et autre maîtres ont cependant leur part de responsabilité. Certes la pédagogie impose de styliser les attaques mais en respectant:
-la distance qui permet le contact surtout au couteau (peur de blesser) mais aussi au sabre où l’on assiste à une attaque suicide. L’attaque se produit alors qu’il n’y a pas d’ouverture offrant une facilité de contre.
-l’attaque elle-même doit reposer sur un équilibre sans pour autant bloquer. La fluidité doit être de règle, le blocage étant réservé à l’étude supérieure.
La vitesse et la puissance de l’attaque doivent servir à la pédagogie. La lenteur devient un bon outil pour autant que le test respecte les bonnes bases.
Nous ne sommes pas friands des chutes spectacles, Uke faisant un quart de soleil en lançant les jambes pour  compenser l’action sur le cou. Ces chutes au demeurant très esthétiques témoignent d’une adresse  digne d’un cirque, au risque  de payer un jour au niveau vertébral et de gonfler l’ego de Shite (appelé encore Tori ou Nage).
A un haut niveau , l’Aïkido devient « invisible » dans la technique comme dans la chute, sans bruit pour impressionner le spectateur ainsi que le rapportait Tamura Nobuyoshi.

Il est un domaine particulier sur lequel nous voudrions attirer l’attention, ce sont les arts martiaux dont l’Aïkido, dans leurs dimensions que nous qualifions de subtil ou mésotérique, lorsque le Ki est dominant sur la force physique.
Quelques exemples: la frappe qui devient un toucher avec transfert d’énergie, spécialité d’un Bruce Lee qui envoyait le partenaire à plusieurs mètres, ou l’atemi et projection sans toucher (Maître Ueshiba), voire le contrôle à distance.
Pourquoi montrer et se laisser filmer? Publicité, recherche de pouvoir, ego, volonté de partage? Des vidéos des années 70-80 montrent des vieux pratiquants de Taï-Chi-Chuan s’amusant à « manipuler » l’énergie des attaquants, apparemment détachés des critiques, et à cette époque, on ne leur demandait pas l’autorisation de publier… pas plus que maintenant!
Il est certain que peu d’Adeptes sont capables de réaliser ces « techniques » en dehors de leurs élèves conditionnés. Ceux-là devraient être lucides et comprendre qu’ils ne sont pas prêts à affronter un attaquant non formaté. La punition et le retour sur terre risquent d’être sévères!
A notre avis, les aspects qui touchent à la phénoménologie en tout cas pour le profane et pour les inexpérimentés devraient rester cachés et réservés à ceux qui sont aptes et prêts à recevoir. Il est préférable de respecter les croyances et ne pas choquer surtout les rationalistes dépendants de la science.

Ceci dit, les commentaires peuvent s’avérer positifs mais demande un minimum d’éthique à respecter:
-sachant que les goûts et les couleurs sont personnels, mon avis a-t-il un intérêt pour autrui?
-la critique d’un film n’intéresse que son auteur et ce n’est pas parce qu’une majorité d’opinions est négative que la mienne va s’accorder avec la dite majorité. L’inverse est tout aussi vrai!
-ma connaissance du sujet m’autorise t-elle à commenter et à faire une généralité?
-avoir le courage de signer son avis et ne pas se cacher derrière l’anonymat.
-suis- je bienveillant ou animer d’un but destructeur?

Nous avons conscience que ces lignes sont déjà une forme de commentaire! Espérons que la bienveillance les anime.

En conclusion, le silence serait la meilleure réponse face à ce que l’on peut qualifier aimablement d’ignorance et pour vivre heureux, vivons cachés même paradoxalement sur la toile.

JMT

 
 

3 commentaires

  1. Mariane

    Oui Jean Marie, on dit bien : »dans le doute, abstient toi » !! alors taisons nous !!

  2. Connaissez vous l’histoire du jeune champion qui provoque un vieux Maître et qui le bat a plate couture?
    Le Maître se relève tranquillement et s’en va.
    Peu de temps après le jeune vainqueur tombe gravement malade…???
    Il réfléchit et il se rappelle du petit appui du Maître sur sa poitrine pendant le combat.
    Il se rend alors chez le vieux Maître qui le guérit et le prend pour élève.

  3. Cette histoire rappelle ce qui serait arrivé à Joe Louis (1914-1981) champion du monde des poids lourds (j’emploie le conditionnel n’ayant pas retrouvé la source de cette histoire).
    Celui-ci ironisait sur la boxe chinoise jusqu’à ce qu’une rencontre fut organisée avec un boxeur chinois. Joe Louis fut touché légèrement par une « frappe empoisonnée » à effet retard. La douleur apparut décalée dans le temps et rebelle aux traitements. Il fallut l’intervention de son adversaire qui lui appliqua un Qi gong thérapeutique pour effacer la touche.

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