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L’esprit de l’Aïki-Do (3e partie)

par Pierrre Warcollier

Voici la suite et fin de l’article paru dans la revue « Les cahiers du Budo », publication du Budo-club de La Varenne-Saint-Maur, n°3, décembre 1965.
Nous avons respecté strictement l’écriture et l’orthographe du texte original.

Cette série d’articles ont été écrits en 1965, soit 3 ans avant un séjour au Japon. La rencontre avec O Sensei et une personnalité japonaise a permis des confidences pour ne pas dire des révélations sur le « voyage spirituel » de Maître Ueshiba. Nous conseillons pour en savoir plus la lecture de l’ouvrage de l’auteur: « Aïkido l’esprit des techniques. L’expérience spirituelle de Maître Morihei Uyeshiba son créateur » (cf bibliographie).

3e partie: LES SOURCES

     Au IVe siècle après J.C. les lettrés Coréens ont introduit au Japon les Classiques chinois, et les notions archaïques que nous avons rappelées dans le numéro précédent furent explicitées de plus en plus par les Maîtres Chinois Taoïstes et Confucéens.

     Les notions de Yin et de Yang entrent donc au IVe siècle après J.C. au Japon, qui vivait lui-même sur des conceptions identiques, mais formulées mythiquement plus que métaphysiquement. Ainsi, dans le shintoïsme, le couple « Kami »: Izanagi et Izanami, avant de s’unir pour donner tous les êtres, étaient représentés tournant autour de la colonne du ciel. Dans cette circomduction, Izanagi prend par la gauche, et Izanami par la droite. Ce sont justement les sens de révolution de chacun de ses deux principes, ou de ce qui y correspond, dans la métaphysique naturaliste chinoise. Les Japonais avaient donc déjà  ces notions sous forme mythique et imagée dans leur Shintoïsme originel (c’est à cela que se rattachent certaines attitudes de Maître Ueshiba). Yin-Yang, d’une part, et Izanagi-Izanami, d’autre part, vécurent d’abord côte à côte dans l’esprit des Japonais. L’une des conceptions plaisait aux intelligences mécanistes et naturalistes. L’autre aux intelligences symbolistes. La pensée japonaise, très facilement syncrétiste à cette époque, engloba bientôt les deux formes en une seule. En Chine les notions de Yin-Yang étaient la base de la métaphysique anarchisante taoïste et de la philosophie sociale hiérarchique des Confucéens, qui eux, en avaient tiré des applications pratiques dans tous les domaines.

    Confucius (551-479 avant J.C.) était à la fois un Sage et un organisateur social et politique. Le Confucianisme apporte la notion d’Ordre du Monde, qui implique la notion d’ordre hiérarchique de la société et des êtres, en appliquant les lois du Yin et du Yang, reprises du Taoïsme primitif.

     Il se résume aussi dans la notion de « JEN » qui implique à la fois un sentiment de dignité humaine envers soi-même, et toutes les vertus que cela comporte. De plus, Confucius, sans d’ailleurs être aucunement agnostique, se refuse à scruter le mystère de la destinée, à discourir sur les âmes, sur la vie, ni sur la mort. Confucius a instauré un civisme en communion, mieux encore en collaboration avec l’Ordre Cosmique ; car l’esprit confucéen n’est pas religieux mais pratique, et fondé sur des notions utilitaires et applicables, par leur généralité à toutes les questions depuis  la politique jusqu’à la vie familiale, l’art militaire et les Arts.

     C’est à ces sources, le Shintoïsme, les doctrines naturalistes chinoises et le Confucianisme, que se rattache  par sa technique et son esprit l’Aïki-Do, et au Boudhisme. Celui-ci  n’entre au Japon que deux siècles après le Confucéisme, au VIe siècle. D’ailleurs le Boudhisme est une voie spirituelle anti-naturaliste qui n’est pas fondée sur les notions de Yin ni de Yang.

     L’Aïki-Do est donc une voie de maîtrise en accord avec les doctrines shintoïstes et de philosophie naturaliste dite Confucéisme, à la base. D’autres éléments que nous étudierons plus tard interviennent dans les modes du pensée de Maître Ueshiba, si nous en croyons les livres de son fils et de Maître Tohei. Mais il reste que la doctrine confucéenne est bien présente: il s’agit d’associer les notions archaïques à des procédé de défense, ce qui est une des applications possibles du civisme confucéen.

     Le Do est une Voie et un sommet dans l’art de l’équilibre naturel des êtres, compte tenure leurs aspects Yin et Yang.

     Le Do est un sommet de perfection par l’harmonie volontairement établie avec la Nature telle qu’on la voit objectivement. C’est la constatation de l’harmonie de la Nature  et le désir d’harmonie qui président au travail des pratiquants d’un Do par imitation de la Nature dans sa perfection, c’est-à-dire dans sa totalité Yin-Yang.

 
 

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